mardi, juillet 27, 2010

One Born Every Minute (Blur)

Le nouveau libellé est là !! Pour le titre du 1er billet "magazine", je voulais un titre avec "born", alors plusieurs choix s'offraient à moi : "Born to be wild" de Steppenwolf ou "Born on a different cloud" d'Oasis ou encore "Born again" de Supergrass, mais aucun de ces titres collaient vraiment avec mon cas de nouvelle rubrique (quoique, j'ai longtemps hésité avec "Born to be wild")...mais je suis tombé sur une b-side géniale de Blur : "One born every minute", donc le problème du titre est réglé ! Maintenant, quel article choisir ? Pour ce premier billet, j'ai pioché dans le dernier Rock & Folk (décidément, il me serre beaucoup !:)) et je voulais un peu collé avec l'actu (enfin avec quelques jours de retard !) donc, mon choix est fait :

"Les hymnes" par Jérôme Reijasse :
Chaque semaine, les White Stripes, Gerry And The Pacemakers ou Van Halen passent dans les stades. Ils ont sans le savoir signé un hymne pour supporters. Analyse footballistico-musicologique.

Les artistes n'écrivent pas pour envahir les stades. Pas tous, ils composent dans la solitude, au mieux à quatre ou cinq dans un garage anonyme. Rêvant peut-être seulement de posture culte ou de gloire, de femmes, de vertiges de classement. Mais au départ, ça relève tout de même plus de thérapie égoïste, de l'aveu électrique du silence étouffé, de la chance boiteuse. Certains artistes finissent par attirer les foules dans les arènes, parviennent à fédérer en masse. Black Sabbath, Metallica, The Cure, Muse, Bob Marley, Radiohead, Green Day, les écorchés qui passent du club vide aux milliers de briquets qui flambent ne manquent pourtant pas.

Hasard de parcours, rencontre miraculeuse, chanson improbable qui finit par toucher les coeurs, création prostituée, campagne marketing agressive, au bon, endroit au bon moment, difficile d'analyser les raisons d'un succès planétaire. Chaque directeur artistique rêve un jour de blinder le Stade de France, sans même savoir quel dieu implorer pour y parvenir. Mais parfois, comme un miracle, c'est le stade qui vient à la musique, c'est la foule, dans tout ce qu'elle a de splendide et de terrifiant, qui s'empare de quelques notes, sans rien, demander à personne, sans céder à la moindre mode. "Hadopi, Hadopi, on t'enc...", pourraient d'ailleurs scander à tue-tête un jour des supporters narquois...
Une chanson rock devient alors un hymne, pas celui d'une nation mais pas loin. Un chant de guerre, sans armes ni sang versé. Un hymne, oui. Une prière.
Le football possède cette magie, cette capacité à s'accaparer, sans vergogne mais avec une passion hors du commun, la création d'un autre. Pour vanter les mérites d'une équipe, d'un joueur, d'un esprit. Pour célébrer sa joie, son appartenance.

2006 : les meilleurs équipes internationales de ballon rond s'affrontent. A la fin, Zidane perd la tête et l'Italie soulève la coupe. Devant les caméras du monde entier, Francesco Totti, joueur emblématique de la sélection transalpine, beau gosse si on veut, lance, un sourire gamin accroché au visage, un drôle d'hymne, un simple mi-mi-sol-mi-ré-do-si, repris illico par tous ses camarades de pelouse, un hymne que les Italiens ont imposés dans les vestiaires depuis le début de la compétition (et que les ultras de l'AS Rome avaient adopté plusieurs mois auparavant, et que les Lyonnais récupéreront bien plus tard en France). Dans les rues de Rome, duplex infernal, des centaines de milliers de supporters hystériques, ivres, pour la plupart, leur emboîtent le pas. Mais que chantent-ils ? Quel morceau ont-ils choisi pour inscrire ce triomphe dans l'Histoire ? Mozart ? Wagner ? Michael Jackson ? Eros Ramazzotti ? Non, bien sûr que non, ils ont opté pour le "Seven Nation Army" des White Stripes, un titre enregistré trois ans plus tôt par le groupe de Detroit. Les squelettes du clip, armée de morts, remplacés par des milliers d'humains bien vivants.

En 2008, durant l'Euro, "Seven Nation Army" sera dans toutes les bouches, dans tous les stades, du hooligan ventru et tatoué à la mère de famille lambda. Jack White aurait-il intrigué pour en arriver là ? Non. Le peuple a choisi, sans quémander une autorisation. Le peuple n'a pas toujours raison mais il s'en fout. il décide. Point barre. En tout cas, Jack White peut se frotter les mains, sa petite chanson imparable est aujourd'hui à l'honneur dans plusieurs enceintes sportives, de l'Amérique à l'Asie, et aussi dans des milliers de clubs ringards mais c'est une autre histoire...

Double exploit
Le football a toujours aimé mélanger à sa hargne populaire des accents rock, disco, pop, folk. Probablement parce que le football, comme la musique, ne demande pas grand-chose, seulement un peu d'amour, de fidélité et d'abnégation, des valeurs qui aujourd'hui peuvent paraître presque niaises mais qui, parce que intangibles, procurent une force et une fois peu commune. Depuis la nuit des temps, les hommes aiment chanter en groupe, pour se donner du courage, pour effrayer l'ennemi, pour asseoir une identité, pour exister, tout simplement. On se souvient qu'en 1998, les Bleus emmenés par Aimé Jacquet, avaient remis au goût du jour l'horripilant "I Will Survive" de Gloria Gaynor. Il avait suffi d'un joueur, Vincent Candela, d'un simple CD déposé dans un lecteur dans l'intimité des vestiaires pour qu'au final, tout un peuple reprenne en choeurs la chose. Jusqu'au vomi, quand même... Voilà peut-être une idée pour les pauvres majors exsangues : offrir aux 23 joueurs français en partance pour l'Afrique du Sud quelques albums, en priant pour que Ribéry, Govou ou Lloris craquent sur un titre précis. Inch Allah...Il y a également des exemples presque incongrus, comme quand le Paris Saint-Germain s'empare du fameux "Go West" de Village People, remanié plus tard par les Pet Shop Boys. La preuve qu'aucune logique n'entre en jeu lorsqu'un stade décide de se trouver une bannière musicale. Dans une ambiance au minimum virile, voire carrément brutale, des milliers de supporters chantent fièrement les notes d'un titre autrefois réservé aux adeptes des soirées disco homo. Là encore, on flirte avec le paradoxe, la surprise, l'impossible. Le miracle, donc. Ou quand les supporters du club hexagonal de Caen (qui remonte en Ligue 1 l'année prochaine) lancent une sorte de pétition sur le net pour virer leur hymne officiel, qu'ils comparent à un générique de "Michel Drucker" pour, à la place, imposer "Broken Kids Society", un titre du groupe pop local, Macadam Club. On insiste : le supporter n'aime pas qu'on lui impose l'hymne officiel anglais pour la Coupe du Monde 1990, "World In Motion, il réussit alors un double exploit : atteindre la première place des tops anglais et imposer son titre dans toutes les tribunes britanniques. Le peuple a adhéré au produit. Rare dans un stade digne de ce nom. Et "World In Motion" parle de foot. Contrairement aux autres hymnes cités plus haut. Les Anglais, musicalement et footballistiquement, resteront les meilleurs. Évidemment.

Un bout d'éternité
Du côté de Manchester City, on aime à reprendre, en modifiant les paroles, le fameux "Blue Moon",autrefois transcendé par Elvis Presley. Les Oasis avaient accepté, il y a quelques années, d'interpréter une version de "Wonderwall" avec des paroles modifiées, toujours à Manchester City, uniquement dans le stade, pour les fans de l'équipe. A Londres, les abonnés d'Arsenal avaient détourné le célèbre "Volare", plutôt d'ailleurs à la sauce Dean Martin, pour honorer comme il se devait Patrick Vieira. Bien sûr, à Liverpool, l'incontournable, l'indémodable, l'obligatoire "You'll Never Walk Alone" (immortalisé par les gars du cru, Gerry And The Pacemakers) suffirait presque à convaincre les plus endurcis que le rock mérite les stades. Les ultras du club de Brentford ont eux choisi comme chanson officielle le "Hey Jude" des Beatles. Fab Four toujours, le club espagnol de villarreal est surnommé El Submarino Amarillo, ceci depuis 1967, année où Los Mustang adaptaient "Yellow Submarine".

Malheureusement, et comme d'habitude, la France est encore et toujours à la ramasse, privilégiant souvent, aux hymnes classieux, les grosses machines vulgaires, les gros sabots, la fanfare : Marseille vénère le "Jump" de Van Halen depuis deux siècles, semble-il. Sans même évoquer "Allumer Le Feu" de Johnny Zazie, parfois entonné dans certaines tribunes molles. Les supporters des Bleus aiment brailler sur les hits de Queen, "We Will Rock You",comme pas mal de leurs congénères dans nombre de pays occidentaux. Il faudrait pourtant que les allergiques au football, aux arènes, aux communions qui débordent, comprennent une chose : tendre une écharpe au coup de sifflet final, et chanter, avec des milliers d'inconnus, véritablement à l'unisson, l'un des pires morceaux de la bande à Mercury et y ressentir du plaisir, pire, de la joie, du sacré, ne relève pas du fantasme, ni du cauchemar,  ni de la honte mais bel et bien de la réalité le plus exaltante, la plus vertigineuse. Cette sorte de transe qui raidit le corps, qui emmène ailleurs, qui sculpte autant de larmes que de visages illuminés, c'est celle aussi qui surgit au détour d'une chanson qui, sans raison, l'emporte sur tout le reste.
Le rock et les stades ne sont ni antinomiques, ni obligatoires. Mais quand les deux se conjuguent sans jamais se concerter, un bout d'éternité déchire la nuit. Il faut vivre pour ce genre d'instants. *



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