vendredi, août 13, 2010

Juliet Naked, Nick Hornby

    Une fois n'est pas coutume, c'est une critique littéraire d'un auteur dépeignant à merveille la culture pop que je vous propose aujourd'hui. N'ayez crainte, il ne s'agit pas de se lancer dans un exercice de style mais plutôt de vous livrer mon ressenti sur ce livre que j'ai beaucoup apprécié et qui trouve plutôt bien sa place au sein de ce blog dans la mesure où il relate l'histoire d'un fan et de son idole. Duncan est professeur d'université dans une petite bourgade anglaise nommée Gooleness. Il voue une passion sans borne à un chanteur de country-rock, Tucker Crowe, qui n'a plus rien écrit depuis 1986. Webmaster d'un site à sa gloire, Duncan publie des essais sur son oeuvre et analyse avec la communauté de fans les paroles de son artiste fétiche. Sa compagne depuis 15 ans, Annie, vaguement admiratrice du travail de Crowe, se doit de supporter la passion de Duncan qui vire, plus souvent que de raison, à l'obsession maladive. Ainsi, il choisit d'embarquer son couple par-delà les contrées américaines, afin d'y effectuer un véritable pélerinage censé l'aider à répondre à la question qui le taraude depuis plus de 20 ans: qu'est-ce qui a poussé Tucker Crowe à abandonner la musique? Selon toute vraisemblance, une visite impromptue dans les toilettes d'un bar de Minneapolis, aurait définitivement enterré sa carrière. Le fan brûlant d'amour pour son idole ne pourra que se reconnaître, parfois à contrecoeur il est vrai, dans ce portrait tant subtil qu'hilarant. Quant aux autres, ceux pour qui la musique n'est qu'un vague divertissement et pas un mode de vie et qui jamais, au grand jamais, ne passeraient des heures sous la pluie afin d'apercevoir pendant quelques secondes seulement leur idole, considèreront probablement Duncan comme un psychopathe fou dangereux. Nick Hornby, l'auteur du roman, se trouvait confronté à une délicate problématique; en effet, comment parvenir à décrire ses trois protagonistes sans les stigmatiser, sans les transformer en pantins victimes de leur propre caricature? Duncan est certes un fan transi d'admiration qui préfère sacrifier sa compagne à sa passion et qui jette ses factures à la poubelle, trop excité par l'arrivée de sa dernière commande Amazon. Mais c'est aussi un être sensible à la beauté de l'art et qui tente d'échapper à la morosité de sa vie en se raccrochant à un musicien qu'il idéalise à l'extrême, ainsi qu'à des cyber-amis qui le réconfortent et sont à même de le comprendre réellement. Annie, la compagne souffre-douleur, n'est pas ou plus vraiment amoureuse de Duncan, mais le sentiment de paralysie que lui procure sa vie, la rassure en quelque sorte. Elle vit avec un homme qui ne s'intéresse à elle qu'en pointillés mais cela lui évite ainsi de se lancer à corps perdu dans une passion destructrice. Quant à l'idole en question, celui dont le travail régit la vie entière de ce couple, il a choisi de quitter cette vie trop risquée et exaltante, sur un coup de tête, sans réfléchir. Depuis, il ne fait que sombrer sans ne plus vraiment rien ressentir. L'inspiration s'est envolée et la vie ne cesse de se dérouler sans que rien ne l'atteigne plus. Bien sûr, il est au courant de l'existence de ce site Internet particulièrement actif. Ses membre l'imaginent reclus, alcoolique, dépressif, en quête de cette lueur de génie qui a fait sa gloire pa le passé. S'ils savaient que celui qu'ils pensent être un poète maudit et torturé n'est en fait qu'un père de cinq enfants totalement désabusé, qui ne souhaite absolument pas remonter sur scène... Néanmoins, il se laisse convaincre par son ancien agent de sortir un nouvel album. Il ne s'agit en réalité que de démos de son dernier disque, Juliet, recueil de morceaux fougueux et incandescents, inspirés par sa compagne de l'époque. L'album Juliet, Naked (en hommage au fameux Let it be, Naked des Beatles) est une révélation pour Duncan qui y voit du génie à l'état pur, comme il le confie dans la critique qu'il rédige pour son site. Pour Annie en revanche, le projet est un échec cuisant. Toute la passion a disparu; les versions acoustiques desservent même la beauté qu'elle pensait avoir décelé dans Juliet. Exaspérée par l'enthousiasme de Duncan, elle s'attelle elle aussi à l'écriture de sa propre critique du disque. Incidemment, Tucker Crowe, qui approuve totalement son point de vue, la lit et lui envoie un mail. De cet échange va résulter la rencontre en chair et en os de nos trois héros. Hornby parvient à affiner les caricatures qu'il s'était évertué à mettre en place, pour livrer des portraits extrêmement touchants et plein de finesse. Point de morale ou d'analyse pseudo-psychanalytiques sur les effets pervers du fanatisme ou la nécessité de dissocier sa vie réelle de son avatar informatique. Le constat de ce récit est plus nuancé et offre une réflexion intéressante sur l'artiste et l'admirateur. Hornby confiait dans une interview que rencontrer son idole avait toujours quelque chose de décevant voire de pathétique. On s'attend à ce qu'elle nous propose de partir en vacances avec elle et finalement, on ne récolte qu'une poignée de main et un sourire gêné. L'artiste lui-même ne sait comment réagir face à quelqu'un pour qui son travail semble revêtir une telle importance. Duncan, en voyant Tucker en face de lui, ne le reconnait même pas. Tucker prend Duncan pour un déséquilibré car pour lui, ses propres chansons n'ont aucune valeur. C'est de cette incompréhension dont il est question. Hornby parvient à démontrer que paradoxalement, le fan et l'artiste ne sont pas vraiment sur la même longueur d'ondes. Lors de leur entrevue, Duncan qui comprend que Tucker n'est pas l'artiste génial et torturé qu'il imaginait, parvient à lui confier ce que tout fan ressent finalement:
"I don't pretend to understand what those songs meant to you, but it's the forms of expression you chose, the allusions, the musical references. That's what makes it art. To my mind, And...sorry, sorry, one last thing. I don't think people with talent necessarily value it, because it all comes so easy to them, and we never value things that come easy to us. But I value what you did on that album more highly than I think anything else I've heard. So thank you. And now I think I should leave. But I couldn't meet you without telling you all that". Alors, histoire de paraphraser ces bons vieux Abba: "Thank you for the music" car même avec le vocabulaire le plus érudit qui soit, il sera toujours impossible de retranscrire avec exactitude l'émotion que l'on ressent à l'écoute de sa chanson préférée...

Alors en bonus, une petite prestation live de ma chanson préférée à moi... Le morceau est déjà énoooorme mais les portraits qui défilent derrière sont hyper touchants! Mention spéciale à l'idole de Liam (et la mienne): l'extraordinaire John Lennon! Frissons garantis...


-V.

2 commentaires:

  1. J'en ai des frissons!
    Tu as déjà pensé à devenir journaliste ? Parce que j'ai qu'une envie, c'est de courir l'acheter!
    Quoique j'ai même peur d'être déçue par le livre tellement la critique est géniale et suffit presque, d'ailleurs...

    Passionant ! :)

    x

    Live Forever! (aha quand j'ai vu la vidéo.. :D :D Quand j'ai acheté le DVD, je savais pas exactement ce qu'il y avait dedans, mais ce concert.. Ah! La photo de Noel, Liam & John réunis sur scène à été mon fond d'écran.. Deux mois. Ce qui est un record personnel, sachant que je le change tous les deux jours... ^^)

    Joy

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  2. Merci pour tous ces compliments, ça fait plaisir! J'adore écrire mais bon, je préfère que ça reste un hobby. Achète quand même le bouquin, il vaut vraiment le coup (mais en anglais si tu peux, c'est plus fort je trouve)! Quant à "Live Forever", ça se passe de commentaires c'est clair, 4mn13 d'extase...

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