Déjà 2 ans que la légendaire Patti Smith nous a conté son histoire amoureuse, tumultueuse et artistique avec Robert Mapplethorpe sous forme de petit bijou littéraire, heureux gagnant du National Book Award for Nonfiction et du prix du livre rock 2010, nommé Just Kids. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ce coup-ci j'ai joué au retardataire puisque je viens tout juste de le lire! Une chronique sur cet ouvrage me semblait donc indispensable...
Sur fond d'Amérique pré-hippie des années 1960-1970, Patti Smith retrace avec émotion et discrétion quelques épisodes de son enfance, sa rencontre avec son âme soeur, le photographe Robert Mapplethorpe, et leur parcours sur le chemin de la gloire. Entre son amour pour Rimbaud, son admiration pour Bob Dylan et sa passion pour l'art sous toutes ses formes, l’icône nous confesse ses rencontres inoubliables avec Jimi Hendrix, Janis Joplin ou encore Lou Reed, son mémorable séjour au Chelsea Hotel, ses voyages mélancoliques à Paris et le temps qui passe balayant Jim Morrison, John Coltrane et bien d'autres...
Une autobiographie touchante et palpitante nous permettant d'en savoir plus sur l'une des plus grandes rock stars féminines de tous les temps, sur sa singulière vie et son fameux collier persan!
L'avant-propos poignant
Je dormais lorsqu'il est mort. J'avais appelé l'hôpital pour dire bonne nuit une dernière fois, mais il avait sombré, sous des couches de morphine. J'ai pressé le récepteur contre mon oreille pour écouter sa respiration laborieuse à travers le téléphone, sachant que je ne l'entendrais plus jamais.
Ensuite, j'ai rangé mes affaires avec calme : mon carnet, mon stylo à plume. L'encrier cobalt qui lui avait jadis appartenu. Ma tasse persane, ma médaille Purple Heat, une boîte de dents de lait. Lentement, j'ai monté l'escalier en comptant les quatorze marches l'une après l'autre. J'ai remonté la couverture de la petite dans son berceau, embrassé mon fils endormi, puis je me suis allongée près de mon mari et j'ai dit mes prières. Il est toujours vivant, ai-je murmuré, je me rappelle. Je me suis endormie.
Je me suis réveillée tôt et, en descendant l'escalier, j'ai su qu'il était mort. Tour était calme à l'exception du bruit de la télévision, restée allumée toute la nuit sur une chaîne culturelle. Ils passaient un opéra. La scène où Tosca calme avec force et chagrin sa passion pour le peintre Cavaradossi m'a attirée vers l'écran. C'était une froide matinée de mars, j'ai mis mon pull.
J'ai levé les stores et la lumière du jour a inondé le bureau. J'ai lissé le tissu lourd qui drapait ma chaise et choisi le livre de peintures d'Odilon Redon, que j'ai ouvert sur l'image d'une tête de femme flottant sur une petite étendue d'eau. Les Yeux Clos. Un univers pas encore abîmé contenu sous les paupières pâles. Le téléphone a sonné, je me suis levée pour répondre.
C'était Edward, le frère cadet de Robert. Il m'a dit qu'il avait donné un dernier baiser à Robert pour moi, comme il me l'avait promis. Je suis restée inerte, figée ; puis lentement, comme dans un rêve, je suis retournée à ma chaise. A cet instant, Tosca a commencé la sublime aria "Vissi d'arte". J'ai vécu pour l'amour, j'ai vécu pour l'art. J'ai fermé les yeux et joint les mains. La providence décidait des termes de mon adieu.
Just Kids-Patti Smith, 2010.
-A.
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